La République Centrafricaine dont l’histoire
remonte à plusieurs siècles avant la colonisation, fut annexée au 19ème siècle
par la France qui l’appela Oubangui-Chari. Elle demeura colonie française
jusqu’au 1er décembre 1958, date à laquelle elle prit le nom de République
Centrafricaine.
Monument Barthélémy BOGANDA à Bangui
Deux ans plus tard, elle devint « libre » par la
proclamation de l’indépendance le 13 août 1960. Elle eut comme premier
dirigeant un prêtre nommé Barthélémy Boganda qui disparut dans un attentat
d’avion derrière lequel plane l’ombre des mains coloniales.
L’histoire de la RCA est marquée par la
colonisation, de nombreux coups d’Etats, la rébellion de la Séléka, et surtout
par la mal gouvernance. Sa population vit dans la misère et pourtant c’est un
pays riche en fleuves, en sous-sol très précieux, en terre naturelle et
fertile.
A considérer sa relation avec l’ancienne
métropole, tout porte à croire que pour la France, la RCA n’est que sa propriété
privée, et tout le territoire centrafricain son grenier qu’elle voudrait gérer
comme bon lui semble. Des règles d’exploitation ont parfois dans ce pays été
transcrites en lois.
Depuis son indépendance, à chaque fois, un
petit groupe de gouvernants soutenu par l’ancien colonisateur et dont les
intérêts sont satisfaits en contrepartie, s’enrichit inexorablement au dépens
de la grande majorité de la population. Ainsi, l’injuste redistribution des
biens s’enracine toujours très fortement.
La nouvelle équipe dirigeante issue des
élections de décembre 2015, et conduite
par le Président Faustin Archange TOUADERA en fin de mandat, n’aura pas su
relever les défis du pays, principalement ceux liés à la sécurité et au développement. Ce
faisant, la désapprobation de la politique actuelle du régime est visible au sein des populations.
Et pourtant, la Centrafrique est un pays immensément
riche, ou coulerait le lait et le miel si nous étions aux époques anciennes.
1. Position
géographique très stratégique…
Comprise entre le Tropique de Cancer et
l’Equateur, 7° Nord et 21° Est, la Centrafrique se trouve au cœur du continent
africain, une position géostratégique centrale. Ses pays frontaliers sont: le
Tchad au Nord, le Congo Démocratique et le Congo Brazzaville au Sud, le Soudan
et le Sud Soudan à l’Est, et le Cameroun à l’Ouest.
Un pays au cœur de l'Afrique.
Nonobstant sa très vaste superficie (623.000
Km2), c’est-à-dire plus grand que
plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest réunis en un seul, un peu plus grande que
la France (547.030 km2), et le double de
l’Italie (301.277 km2), la Centrafrique compte seulement environ 5 millions
d’habitants poussés au maximum. Bien qu’elle soit située à plus de 700 km de la
mer, le territoire a la chance d’être irrigué par une centaine de ruisseaux et
une dizaine de fleuves parmi lesquels le Logone et le Chari qui sont les
principaux qui se déversent dans le lac Tchad. Par contre la Sangha et
l’Oubangui, navigables en saison des pluies, assurent les échanges commerciaux
avec les deux Congo (Kinshasa et Brazzaville). Les précipitations sont abondantes,
en moyennes 1.343 mm3 c’est-à-dire 836,66 km3, presque deux fois plus que la
valeur moyenne en France (477,99 km3). Cela fait que la quantité d’eau
disponible par habitant en un an est très élevée: 37.000 m3. Si le centre
présente un climat humide et la prévalence d’une savane herbeuse, l’extrême Sud
au contraire a un climat de type équatorial avec la présence de la forêt
équatoriale. Ses divers parcs nationaux tels que «Bamingui-Bangoran» et
«Dzanga-Sanga» offrent un spectacle unique où l’on peut admirer diverses
espèces d’animaux. Si le Nord-est accueille la plus grande concentration
d’hippopotames au monde, les parcs nationaux «André-Félix» et «Manovo-Gounda
Saint Floris» par contre sont inscrits sur la liste du patrimoine mondial de
l’Unesco.
2. Un Pays riche en Diamant
et or…
La Centrafrique est un pays diamantifère. Les
principales zones de production sont le Sud-ouest, le Nord-ouest et le Centre.
Aujourd’hui on sait que tout le territoire centrafricain est comblé de diamants
et or, et du point de vue de la qualité du diamant qu’on peut extraire, la RCA
occupe le quatrième rang de la classification mondiale des pays producteurs. La
production des diamants alluvionnaires de qualité optimale (diamants de
joaillerie) offre environ 500 000 carats brut par an.
Les diamants de Centrafrique.
Le chiffre officiel publié doit être toujours
doublé ou triplé à cause de la contrebande parles groupes armés dans ce
secteur. Le diamant et l’or centrafricains ont enrichi seulement les
gouvernants et leurs associés, alimentant divers groupes armés qui ont
ensanglanté le pays.
C’est justement pour cette raison que, tout de
suite après le coup d’Etat de mars 2013, la République Centrafricaine fut
immédiatement suspendue du «processus de Kimberley».
3.
Centrafrique, pays d’uranium et de pétrole…
Dans les années 60, un gisement de bauxite
fut découvert à Bakouma, à 900 km au Nord-est de la capitale Bangui. La
République centrafricaine serait en possession d’environ 20 000 tonnes de
réserves d’uranium, selon le dernier rapport du salon international des mines,
des carrières et du pétrole (SEMICA) tenu en Centrafrique du 27 au 29 Février 2020.
Et pour rappel, le groupe nucléaire français Areva avait signé en Août 2008
avec l’ex Président Bozizé, un contrat de 18 milliards de francs CFA (27
millions d’euro) pour une durée de 5 ans. Par ailleurs, un important gisement
de pétrole se trouve au Nord à Gordil, à la frontière avec le Tchad.
Minerais de Centrafrique.
Les
premiers puits furent creusés dans les années ’80, sous le régime du Président
Patassé, par les compagnies pétrolifères américaines telles que «Grynberg RSM»
du milliardaire américain Jack Grynberg. En 2012, le Président Bozizé concéda
l’exploitation de certains gisements aux Chinois de la «China National Petrolum
Corporation». D’autres sites pétrolifères identifiés au Nord sont: Bagara,
Doseo, Salamat et Doba/Bango. Selon les experts, 5 milliards de barils de
pétrole son présents dans le pays.
4. Agriculture, élevage, bois…
Le potentiel des terrains centrafricains est
estimé à 15 millions d’hectares de terres arables. Et 80% de la population vit
des travaux liés à la terre et à l’agriculture qui représente 50% du PIB. La
terre est naturellement fertile, ouverte à toutes les cultures, et produit
café, coton, tabac, cacao, huile de palme, caoutchouc, canne à sucre, riz, thé,
piments. D’autres produits sont: manioc, mil, arachide, sésame, patate douce,
tarauds, igname, banane, orange, citron, ananas, papaye, pamplemousse, goyave,
pastèque, et d’autres verdures et fruits. Les gens vivent de la petite chasse,
pêche et élevage. En 2009 il y avait environ 15 millions de têtes.
Agriculture Centrafricaine.
Concernant le bois, outre l’existence des
essences de qualité telles que l’ébène et l’acajou, le bois de construction est
un des produits d’exportation. La forêt centrafricaine couvre une superficie de
3,8 millions d’hectares et s’étend jusqu’au Cameroun, Congo Brazzaville et
Congo Démocratique. La forêt Centrafricaine est la seconde plus grande forêt après celle de
l’Amazonie, et constitue le poumon mondial à sauvegarder. Malheureusement,
cette ressource est l’apanage des sociétés étrangères.
En effet, selon un article de Daniele
Bellocchio, un rapport intitulé «Legno insanguinato» (Bois ensanglanté), on
découvre comment l’Europe a aidé à financer la guerre en RCA sur trois aspects
principaux: 1. les échanges commerciaux ; 2. les importations illégales et
troisièmement, les donations. On lit dans l’article que trois entreprises: la
Sefca à capital libanais, la Ifb d’origine française et la Vicwwood chinoise,
ont payé les rebelles pour exploiter de façon illégale le territoire de la
République Centrafricaine.
Elevage en Centrafrique.
De l’analyse du rapport, il ressort que 59%
des exportations du bois centrafricain sont envoyés vers l’Europe, mais que
l’argent versé serait utilisé aussi pour acheter des armes, payer des péages et
enrôler des gardes privées. Tout compte fait, la surabondance des richesses
naturelles de la Centrafrique ne profite pas aux fils du pays qui croulent dans
la misère.
5. Des populations multiethniques, mais unies
par une langue nationale : le Sangö
En République Centrafricaine, il y a environ
80 ethnies diverses réparties en trois groupes principaux : les groupes
provenant de la forêt, celles provenant de la savane et celles étendues le long
des fleuves.
Parmi les plus importants, d’Est à Ouest il y
a: Zandé et Nzakara, le groupe Ngbandi (Sango et Yakoma), le groupe
Gbanziri-Sere (Ngbaka-Mabo, Modjombo, Gbanziri-Bolaka, Sere);
Au Sud et Sud-ouest, les Bantu (Mbimu,
Issongo, Kaka, Bangando);
Les populations Centrafricaines.
Tout le centre et d’Est à ouest, le groupe
Gbaya (Mandja, Bofi, Ali, Gbanu, Ngbaka-Mandja, Suma) et le groupe Banda
(Linda, Ndi, Togbo, Langbasse, Yanguéré);
Dans les zones limitrophes il y a le groupe
Mbum (Pana Karé, Talé), le groupe Sara (Kaba) et le groupe Nilo-saharien
(Sabanga, Kreish, Lutto, Gula, Runga). Les Yulu et Kara sont réduits en
quelques villages tandis que les Binga, Bongo, Challa et Pambia ont disparu.
Si les Pygmées ou «Babinga» sont sédentaires
dans la forêt, les Peuls ou «Mbororo» par contre sont des éleveurs nomades.
Heureusement, toute cette panoplie d’ethnies
est unie par une langue locale et nationale, le «Sangö» en plus du Français. En
effet, toutes les deux langues sont officielles : le français depuis 1960
et le Sangö depuis 1963. Cette dernière, facile à apprendre, fut généralisée
par le processus d’évangélisation. A ce propos, le professeur français Patrice
Gourdin souligne que la RCA est un des rares cas en Afrique d’officialisation
d’une langue qui n’était pas celle du colonisateur. Et donc, toujours selon le
professeur, cette réalité constituerait un intéressant cas de ce qu’il appelle
«diglossie», c’est-à-dire deux moyens linguistiques qui coexistent en une
relation hiérarchique, et chacune assumant une fonction sociale distincte. De
ce fait, on peut affirmer sans risque de se tromper que «la RCA a la fierté,
plus encore, l’avantage de vivre la promotion d’une langue nationale».
6. Les
prochaines élections… et la crainte du régime actuel.
Entre inquiétude et incertitude, les centrafricains se préparent
à aller aux urnes le 27 décembre 2020, un calendrier vraisemblablement imposé
par la communauté internationale qui trouverait très amère la facture d’une éventuelle
transition.
Au delà des nombreuses frasques enregistrées lors des opérations
d’enrôlements, et qui remettent d’ores et déjà en cause le processus électoral
en cours, la liste actuelle des échecs du chef de l’État centrafricain
s’allonge chaque jour davantage. Il lui est reproché un mépris sans vergogne des principes
fondamentaux de la démocratie et de la bonne gouvernance. Le Président Centrafricain
à choisi par exemple de dialoguer avec les groupes armés, et refuse
catégoriquement une concertation avec les
leaders de l’opposition réunis au sein de la COD2020 dont l’ancien Président
Francois BOZIZE du parti Kwa Na Kwa, Anicet Géorges DOLOGUELE du parti URCA,
Alexandre Ferdinand NGENDET du RPR et bien d’autres. Même son de cloche en
termes de plaintes du coté de la société civile, et de certains autres partis
politiques de l’opposition non partie prenante du COD2020 comme l’Union
Nationale pour la Démocratie et le Progrès (UNDP) de Michel AMINE qui jouit d’une
grande popularité au plan national, et dont
le régime tient à tout prix à s’accaparer les militants, membres et sympathisants
par tous les moyens.
A vrai dire selon certains sondages sur la population, et contrairement
à la propagande officielle et aux déclarations des responsables de l’ONU et de
l’Union africaine, le bilan du quinquennat de Faustin Archange TOUADERA est
catastrophique. Le point d’orgue d’ailleurs aura été le fameux Accord de
Khartoum, signé à Bangui le 6 février 2019.
La communauté internationale s’est accrochée invariablement à ce
pacte de non-agression entre des parties n’ayant que des objectifs patrimoniaux
et faisant peu de cas de l’intérêt national.
Tout ceci pousse à penser que la Centrafrique, un pays immensément
riche, et dont la population vit pauvrement, est très loin d’être sorti de l’auberge.
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Par Fatoumata DIALLO
(Rédactrice section Afrique subsaharienne JA)
Reprise par VOX POPULI
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